Tiers pays sûrs: les demandeurs d’asile aux É.-U. ne seront plus refusés d’emblée
Un juge fédéral de Washington a annulé mardi une politique de l’administration Trump qui refusait l’asile aux personnes qui traversent un autre pays pour atteindre la frontière sud des États-Unis sans avoir préalablement cherché à se protéger dans ce pays.
Dans son jugement, Timothy Kelly a indiqué que le gouvernement américain n’avait pas justifié la mise en vigueur soudaine de la politique en juillet dernier sans avis ni commentaires publics.
Lors de la publication de la règle, les ministères ont expliqué qu’elle visait à réduire la pression sur le système d’immigration des États-Unis « en déterminant plus efficacement les étrangers qui abusent du système d’asile pour entrer et rester aux États-Unis plutôt que de chercher légitimement une protection urgente contre la persécution ou la torture ».
Cependant, le juge, qui a d’ailleurs été nommé par Trump, a estimé que l’administration avait « illégalement promulgué » la règle, ne montrant pas qu’il était dans l’intérêt public de mettre en œuvre furtivement le changement et de contourner la loi sur la procédure administrative.
Ce jugement peut-il avoir un effet sur les politiques d’asile du Canada?
Kikome Afisa, à gauche, et d’autres personnes protestent devant le bâtiment de la Cour fédérale du Canada pour une audience sur la désignation des États-Unis comme pays tiers sûr pour les réfugiés, à Toronto, le lundi 4 novembre 2019. (Photo : LA PRESSE CANADIENNE/Nathan Denette)
La politique américaine d’asile déboutée par le juge Kelly vise principalement à bloquer les caravanes de migrants en provenance de l’Amérique centrale en obligeant les demandeurs d’asile du Honduras, du Salvador, du Guatemala et d’ailleurs à demander d’abord l’asile dans les pays qu’ils traversent en route vers les États-Unis, notamment le Mexique ou le Guatemala.
Cependant, lorsqu’une personne demande l’asile en entrant dans un territoire donné, le processus d’acceptation ou de refus est toujours long.
Aux États-Unis, la personne a tout d’abord un entretien avec un agent d’asile qui détermine si la personne est admissible à l’asile, ou si elle est catégoriquement inadmissible.
Cette détermination permet de décider si le demandeur a une « crainte crédible de persécution ».
Si, après avoir interrogé le demandeur, l’agent détermine qu’il a une crainte crédible de persécution, le demandeur peut se voir accorder l’asile par un juge de l’immigration qui doit confirmer que la personne est « réfugiée » au sens de la loi.
Si le demandeur n’est pas admissible ou s’il n’est pas capable de montrer une crainte crédible, l’agent d’asile fait une « détermination négative de crainte crédible ». Le demandeur peut faire appel de cette décision auprès d’un juge de l’immigration.
Comme décrit ci-dessus, si le juge de l’immigration est d’accord avec l’agent d’asile, le demandeur reçoit un ordre d’expulsion définitive.
Cette dernière situation est celle que fuient depuis 2017 des milliers de personnes entrant des États-Unis au Canada par des postes frontaliers irréguliers, dont l’un des plus connus est le chemin Roxham, à la frontière entre la province du Québec et l’État de New York.
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Rappelons qu’en campagne électorale, Donald Trump avait annoncé un plan pour contenir l’immigration clandestine et promis de construire non seulement un grand mur pour faire barrière aux migrants en provenance du Mexique, mais aussi en durcissant la politique de délivrance des visas, en détenant et en renvoyant dans leurs pays d’origine tous les migrants clandestins ou qui ne se seraient pas conformés à un ordre d’expulsion définitive.
Ces menaces avaient eu un effet boule de neige. De milliers de migrants ont fui vers le Canada, en espérant pouvoir être reconnus comme demandeurs d’asile.
Pourquoi ces personnes passent-elles par le chemin Roxham et non un poste frontalier pour effectuer leurs demandes d’asile?
Tout simplement en raison de l’entente sur les tiers pays sûrs signée entre les États-Unis et le Canada.
En vertu de cet accord, les demandeurs d’asile doivent faire leur demande dans le premier pays qu’ils traversent. Donc, puisqu’ils passent par les États-Unis, ils ne pourraient pas faire une telle demande au Canada.
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Cependant, de milliers de demandeurs d’asile passés par le chemin Roxham et d’autres passages irréguliers en Ontario et au Manitoba, parfois au péril de leur vie, sont maintenant de demandeurs d’asile en attente d’un statut.
La politique que le juge Timothy Kelly a invalidée empêche les étrangers cherchant à entrer aux États-Unis par la frontière sud ne peuvent pas prétendre à l’asile, sauf s’ils ont d’abord demandé une protection similaire dans un tiers pays par lequel ils ont transité (autre que le pays qu’ils ont fui) et y ont été rejetés.
La mesure ne limite pas la capacité d’un étranger à demander la suspension d’un renvoi, mais sa barre catégorique sur l’admissibilité à l’asile s’applique aux adultes comme aux mineurs non accompagnés.
Le juge a déclaré que les autorités ont violé les procédures fédérales d’élaboration des règles en ne sollicitant pas les réactions du public avant de mettre la politique en vigueur en juillet 2019.
L’impact immédiat de la décision rendue par le juge mardi est atténué par une mesure liée à la pandémie de COVID-19 visant à expulser rapidement les personnes qui traversent illégalement la frontière et à bloquer les demandeurs d’asile aux points de passage officiels.
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