Le camionneur coupable de la tragédie des Broncos lutte contre l’extradition
Jaskirat Singh Sidhu se bat pour rester au Canada où il vit depuis 2013 et ne pas être expulsé en Inde où il a grandi.
Cet homme de 32 ans a été condamné, l’an dernier, à huit ans de prison après avoir plaidé coupable à 29 chefs d’accusation de conduite dangereuse ayant causé la mort ou des blessures corporelles dans une tragédie qui a fait le tour du monde.
Le 6 avril 2018, le camion que conduisait Jaskirat Singh Sidhu sur une route de campagne, au coeur des Prairies canadiennes, a heurté de plein fouet à une intersection l’autobus dans lequel prenait place toute l’équipe de hockey junior des Broncos de Humboldt qui se rendait à un match amical.
Le camionneur qui n’avait qu’une année d’expérience ne s’est pas aperçu qu’un autre véhicule s’approchait de l’intersection où la collision a eu lieu malgré des signes clairs de ralentir et d’effectuer un arrêt avant la jonction des deux routes.
Une vue aérienne du lieu de l’accident à l’intersection de la route 335 et de l’autoroute 35. (Jonathan Hayward / Canadian Press)
Dans sa décision de condamnation, la juge Inez Cardinal a déclaré que Sidhu avait eu de nombreuses occasions de s’arrêter avant la collision. Elle a également déclaré qu’il était inconcevable qu’il ait manqué de voir les nombreux grands panneaux de signalisation annonçant l’intersection, y compris les feux clignotants.
Après ce tragique accident qui a coûté la vie à 16 personnes et en a blessé 13 autres avec des séquelles graves, plus de 140 000 personnes de plus de 80 pays ont fait don de 15 000 000 $ pour venir en aide aux victimes et à leurs familles.
Il y avait 24 joueurs dans l’équipe des Broncos de Humboldt, avec des membres âgés de 16 à 21 ans. (Humboldt Broncos / Twitter)
Deux ans et demi plus tard, il se bat contre son expulsion du Canada
Jaskirat Singh Sidhu a grandi sur une ferme en Inde et a suivi sa petite amie au Canada lorsqu’elle a immigré ici en 2013. Il vivait à Calgary et il avait été embauché par une entreprise de camionnage basée à Calgary juste trois semaines avant l’accident.
Il est un résident permanent du Canada. Or, en vertu de la loi fédérale, un résident permanent reconnu coupable d’un crime passible d’une peine maximale d’au moins dix ans peut être expulsé après avoir purgé sa peine.
Une décision administrative en ce sens est attendue d’ici quelques mois. Me Michael Greene, l’avocat du camionneur tente cependant de faire en sorte que cela ne se produise pas affirmant que Sidhu est à la base une bonne personne sans antécédent criminel et qui est rongée par les remords.
(Jonathan Hayward/The Canadian Press)
Méa culpa
« Il ne pourrait pas être plus désolé », déclare l’avocat, qui a commencé à compiler des lettres de soutien à donner à un agent de l’immigration, qui déterminera éventuellement le sort de Jaskirat Singh Sidhu. « Ce n’est clairement pas le genre de type qui va commettre un autre délit. Donc, tout bien considéré, ce sera une décision extrêmement difficile à prendre pour un agent ».
L’avocat ajoute que le crime de Jaskirat Singh Sidhu n’était pas intentionnel et que de nombreuses personnes avant lui ont accidentellement traversé des feux de signalisation dans le passé, parfois avec des conséquences fatales sans recevoir de sentence aussi sévère.
Me Greene évoque notamment le cas de l’ancien premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, qui en 1997 ne s’était pas arrêté à un carrefour rural. Il avait heurté un autre véhicule tuant Joanne Balog, 39 ans. Scott Moe a reçu une simple contravention pour avoir été inattentif au volant et avoir conduit avec imprudence.
Dans le cas de Jaskirat Singh Sidhu, « Le juge a imposé la peine la plus lourde, multipliée par cent », déclare M. Greene. « C’est deux fois plus élevé que toute autre peine jamais prononcée pour ce délit. »
Jonathan Hayward/Canadian Press
Des familles déchirées
Ryan Straschnitzki et sa mère Michelle à l’hôpital en avril 2018 après l’accident du bus Humboldt Broncos. (Famille Straschnitzki)
Michelle Straschnitzki, dont le fils Ryan a été paralysé des deux jambes par la tragédie, dit avoir de la sympathie pour la famille du détenu. Mais elle ne pense pas qu’il mérite de pouvoir rester au pays et y continuer une vie normale au terme de sa peine carcérale.
« Je dirais qu’il y a 29 personnes qui n’ont pas la possibilité d’avoir une nouvelle vie en raison de sa négligence, souligne madame Straschnitzki dans une entrevue accordée à la Presse canadienne.
« Je suis désolé pour sa famille et je ne pense pas qu’il devrait être puni pour le reste de sa vie, mais je ne pense pas non plus qu’il devrait être récompensé pour ses actes ».
Scott Thomas, le père d’Evan, un des jeunes joueurs des Broncos qui a été tué dans l’accident pardonne à Sidhu et il déclare être en contact avec la femme de Sidhu alors que son mari est en prison. « C’est un homme brisé et je ne pense pas … qu’il soit plus utile de l’envoyer loin du pays, où il veut clairement être avec sa femme », dit Scott Thomas.
« Je ne sais pas exactement ce qu’il a vécu en prison, mais je sais qu’il est dans une prison dans son esprit, c’est certain. Je sais qu’il se bat avec cela tous les jours et qu’il continuera à le faire où qu’il soit ».
Me Michael Greene, l’avocat de Jaskirat Singh Sidhu s’attend à ce que le sort de son client soit décidé par le gouvernement canadien au début de l’année 2021.
« Je comprends que pour certaines personnes, il n’y aura jamais assez de punitions et il n’y en aura jamais », déclare Me Greene.
« Mais il y a beaucoup de gens qui croient au pardon. Et ils réalisent aussi que c’était un parfait orage de circonstances où son imprudence a certainement été un facteur déterminant ».
LISEZ AUSSI : Tragédie de l’équipe de hockey en Saskatchewan : tout le Canada est en deuil
RCI avec CBC News