Dans la Creuse, cette jeune maman témoigne : "À sept mois de grossesse, j'ai préparé les obsèques de ma fille"

Quand Angélique a accouché de sa petite Ange, elle savait qu’elle ne vivrait que quelques jours. Loin de s’effondrer, la jeune maman ne l’a pas quittée un seul instant : « J’ai fait tout ce que j’ai pu pour elle », nous raconte-t-elle. Dans ses bras, une petite Vittoria n’est que sourire : « Notre rayon de soleil », disent Angélique et Jonathan.

À sept mois de grossesse, quand d’autres parents choisissent le prénom de leur enfant et décorent la chambre du nouveau-né, Angélique et Jonathan ont, eux, préparé les obsèques de leur petite fille. Quelques semaines plus tôt, le couple avait appris que son bébé souffrait d’une holoprosencéphalie (*), un diagnostic posé après des semaines d’incertitude. Cette grossesse, tellement attendue par la jeune femme qui avait déjà vécu le drame d’une fausse couche, aurait dû n’être que bonheur. Mais dès la première échographie, Angélique comprend que quelque chose ne va pas. « À ma première écho au mois d’août, quand j’avais dit à la gynéco que j’avais la maladie de Lyme, ça avait jeté un froid et elle m’avait dit que ma grossesse était à risque et qu’elle ne voulait pas s’occuper de moi, raconte Angélique. Elle avait vu que ma fille avait un problème mais elle ne m’avait rien dit. Juste qu’il fallait que je revienne la semaine suivante pour faire une autre écho avec une autre gynéco. »

Le diagnostic tombe à six mois de grossesse

On lui annonce alors que son bébé est atteint de trisomie 13. « Mais quand j’en ai parlé à mon médecin traitant, il a tout de suite voulu qu’on fasse une amniocentèse et tous les résultats sont revenus négatifs. » À six mois de grossesse, le diagnostic tombe : holoprosencéphalie.

"Ma grossesse pouvait s’arrêter à n’importe quel moment et si j’allais au bout, ma fille ne vivrait que quelques heures…"

Quand d’autres se seraient effondrés sous la nouvelle, Angélique, elle, ne pense qu’à sa petite fille. Tenir coûte que coûte pour la serrer dans ses bras, l’accompagner le plus tendrement possible aux premières heures de sa petite vie. « Je me suis mise dans ma bulle, je n’ai pensé qu’à elle, à faire tout ce que je pouvais pour elle. » Le reste?? On verra après. Hormis ses obsèques.

« Dès que j’ai vu la pédiatre de néo-nat à l’Hôpital mère enfant de Limoges, une femme merveilleuse, je lui ai demandé ce que je devais faire. Et c’est elle qui m’a conseillé de les préparer pour éviter d’avoir à le faire au moment où, pour ne rien oublier. J’ai dit : mais comment je peux faire ça?? Mais je l’ai fait. Je suis allée aux pompes funèbres à Bourganeuf, je les connaissais, et j’ai préparé tout ça avec une amie de mes parents. J’ai choisi son petit cercueil, le coussin… On a acheté une place au cimetière. Autour de moi, on me disait : “Mais tu ne vas jamais y arriver”. Oui, c’est très dur mais ça enlève une telle épine du pied pour après… » Pour ne plus penser alors qu’à sa fille.

Dix jours au plus près de sa fille

Dans la maison d’Angélique et Jonathan aujourd’hui, une seule photo de la petite fille, à sa naissance, entourée de ses parents. Mais partout autour, des anges. Collés aux murs, posés sur une étagère. « C’est mon mari qui, un soir en rentrant du travail, m’avait dit : “Je sais comment on va l’appeler.” » Ange est née à quelques jours du terme le 24 février 2022.

"Tout de suite, j’ai voulu la voir, la prendre sur moi. On m’avait dit qu’elle allait vivre une heure, tout au plus une journée. Et moi, je savais qu’elle vivrait plus longtemps. Je leur ai dit : “C’est moi qui habite avec elle depuis neuf mois. Vous ne connaissez pas ma fille. Je vous dis qu’elle tiendra.” Ma sœur lui a donné son premier biberon alors qu’on nous avait dit qu’elle ne pourrait même pas manger."

La petite Ange a vécu deux semaines. Sans que sa maman ne la quitte des yeux. « Dès qu’elle est née, on avait demandé des soins palliatifs et de confort. Elle souffrait et si au début, elle pleurait, après, elle ne pouvait plus exprimer ce qu’elle ressentait. Il fallait vraiment regarder son visage pour connaître ses besoins, si elle avait mal, si elle avait faim. On le voyait seulement à son visage. »

Jusqu'à ce moment où...

Le lendemain de l’accouchement, Ange est baptisée. Les jours suivants, le bébé fait plusieurs arrêts. Mais offre aussi à sa maman de beaux moments inoubliables. « J’ai voulu lui donner son premier bain et j’ai vu qu’elle écoutait, qu’elle avait de petits réflexes. Elle m’a aussi caressé le bras. Et tant qu’elle était là, je suis restée dans ma bulle avec elle. Le jour où elle est partie, je l’ai compris dès le matin quand je l’ai vue. J’avais d’ailleurs envoyé un message à une collègue pour dire que c’était bientôt la fin. D’ailleurs, on avait eu la fille de mon mari – qui avait une connexion incroyable avec Ange pendant ma grossesse – au téléphone et elle avait souri en entendant sa voix. On a raccroché et pour la première fois, en deux semaines, j’ai senti que c’était le moment… »

"J’étais seule avec elle. Et elle est partie dans mes bras. Alors, je lui ai donné son dernier bain, je l’ai habillée et je l’ai gardée près de moi la nuit suivante. Je ne voulais pas qu’elle soit seule à la morgue. J’ai vraiment fait tout ce que j’ai pu du début à la fin. Je ne regrette rien. J’ai pu en profiter au maximum du maximum."

Dans les bras d’Angélique aujourd’hui, une petite fille qui ne cesse de sourire. Elle a neuf mois, s’appelle Vittoria. Pas la peine de vous expliquer pourquoi ce prénom. « C’est notre rayon de soleil », confirme Angélique. 

(*) Malformation cérébrale rare, d’étiologies multiples et souvent associée à des anomalies faciales évocatrices. Cette pathologie, résultant d’un défaut de développement précoce du prosencéphale, est de pronostic fœtal extrêmement réservé.

Soutien. Durant cette épreuve, Angélique et Jonathan n’ont pas forcément trouvé écoute et soutien auprès de tout le monde. D’où leurs remerciements appuyés à la famille et les amis de la jeune femme ainsi qu’aux docteurs Monce et Bussy.

Séverine Perrier