Israël-Iran : le bunker nucléaire de Fordo, un site très stratégique pour Téhéran
Les Etats-Unis pourraient-ils aider Israël à attaquer le site nucléaire iranien de Fordo ? Aucune déclaration n’a encore été faite en ce sens, mais des "capacités supplémentaires" ont été déployées au Commandement central américain au Moyen-Orient, selon des déclarations lundi du secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth. Seuls des bombardiers américains, équipés d’une bombe "briseuse de bunker", la GBU-57, sont capables de peut-être atteindre le site de Fordo. Ce site d’enrichissement d’uranium, situé entre Téhéran et Qom, au sud de la capitale iranienne, est enfoui très profondément sous une montagne, à une centaine de mètres sous terre.
Un site secret révélé en 2009
Sur les images satellites disponibles, on voit seulement des entrées de tunnels, un bâtiment principal et une route qui entoure la montagne. Sa construction, en violation des résolutions de l'ONU, a été révélée par l’Iran lui-même à l’AIEA le 21 septembre 2009, créant une crise avec les grandes puissances du Conseil de sécurité qui considèrent que la taille et la militarisation du site ne sont pas compatibles avec un projet de nucléaire civil. "La taille et la configuration de cette installation ne sont pas compatibles avec un programme pacifique", avait à l’époque déclaré le président américain Barack Obama.
Le site iranien aurait été construit, selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), à partir de 2002. Après l’avoir présenté comme un "site de secours" dans une zone montagneuse, près d’une base militaire, afin de se protéger d’une attaque aérienne, l’Iran a indiqué qu’il s’agissait d’une usine d’enrichissement d’uranium à taux élevé, pouvant accueillir quelque 3 000 centrifugeuses. Les premières centrifugeuses y ont été installées durant l’été 2011 et sont entrées en fonction en janvier 2012. Téhéran a décidé d’y transférer sa production d’uranium enrichi à 20 %, et le pays en produit désormais davantage que sur le site pilote de Natanz, selon l’AIEA.
Augmentation progressive du niveau d’enrichissement de l’uranium
En 2015, dans le cadre de l’accord négocié sur le nucléaire iranien (le "Joint Comprehensive Plan of Action"), l’Iran accepte de transformer Fordo et de suspendre ses activités d’enrichissement d’uranium pendant 15 ans. Mais en 2018, le président américain Donald Trump décide de sortir de l’accord, en conséquence de quoi l’Iran reprend son programme nucléaire.
Depuis, l’AIEA a constaté une augmentation successive du niveau d’enrichissement d’uranium à Fordo, de 20 à 60 % relevés dès 2022. "La production nettement accrue et l’accumulation d’uranium hautement enrichi par l’Iran, seul Etat non doté d’armes nucléaires à produire ce type de matériel nucléaire, sont très préoccupantes", a déclaré l’AIEA dans un rapport publié ce 31 mai. Au-delà de 80 %, il est utilisable pour fabriquer des armes nucléaires. C’est aussi sur ce site qu’avaient été détectées début 2023 des particules d’uranium enrichies à 83,7 %. L’Iran avait invoqué des "fluctuations involontaires" au cours du processus d’enrichissement.
Selon une analyse du 9 juin du think tank ISIS (l’Institut pour la science et la sécurité internationale) présidé par le physicien David Albright, ancien collaborateur de l’AIEA, "l’Iran peut convertir son stock actuel d’uranium enrichi à 60 % en 233 kg de WGU (uranium de qualité militaire, NDLR) en trois semaines à l’usine d’enrichissement de combustible de Fordow, ce qui est suffisant pour 9 armes nucléaires, à raison de 25 kg d’uranium de qualité militaire par arme. L’Iran pourrait produire sa première quantité de 25 kg de WGU à Fordow en seulement deux ou trois jours."
L’Iran assure toutefois que son programme est civil. Tulsi Gabbard, la directrice du renseignement américain, a déclaré publiquement devant le Congrès en mars que les Iraniens ne cherchaient pas activement à se doter d’une bombe. Un rapport de ses services affirme "que l’Iran ne fabrique pas d’armes nucléaires et que le guide suprême Khamenei n’a pas réautorisé le programme d’armement nucléaire qu’il avait suspendu en 2003."
Le site de Fordo pas encore endommagé par Israël
Pour le moment, "aucun dommage n’a été constaté", d’après l’AIEA, sur l’usine d’enrichissement d’uranium de Fordo, bien que celles des sites de Natanz et d’Ispahan, dans le centre de l’Iran, aient été touchées par des frappes israéliennes dans l’attaque israélienne d’une ampleur sans précédent lancée le 13 juin avec l’objectif affiché d’empêcher l’Iran de se doter de la bombe nucléaire.
Selon le Financial Times, l’Iran a récemment construit une installation "encore plus profonde et mieux protégée dans le Kūh-e Kolang Gaz Lā, également connu sous le nom de montagne Pickaxe", au sud du site nucléaire de Natanz.
