Dans le Cantal, la difficile réalité des obsèques limitées uniquement à la famille proche
« Il y a d’abord un contact téléphonique avec la famille, et l’équipe funérailles. » Les mesures de confinement obligent une réorganisation profonde des actes du quotidien et les obsèques sont tout autant concernées. À Saint-Flour, l’abbé Philippe Boyer applique les consignes transmises aux évêques par Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France.
Ainsi, les membres de l’équipe funérailles, qui assistent le curé avant et pendant la cérémonie, doivent être âgés de moins de 70 ans. « Il y a une solidarité de la part de catholiques plus jeunes, ajoute le responsable de la paroisse sanfloraine. Ils accompagnent les familles, reviennent sur la vie du défunt afin de construire un mot d’accueil lors de la célébration. »
Pour l'occasion, l'abbé Philippe Boyer a composé un texte, que voici dans son intégralité :« Et les Français restèrent chez eux,Et ils se mirent à lire et à réfléchir.Et ils n'oublièrent plus de prendre des nouvelles de leurs proches.Dans l'incertitude de demain, ils comprirent enfin ce que voulait dire profiter de l'instant.Progressivement, les publicités vantant des produits dont ils n'avaient pas besoin leur semblèrent bien vaines.Et ils comprirent.Ils n'étaient pas en train de survivre, mais bien de vivre.On venait de leur faire un cadeau incroyable : on leur avait offert du temps.Et la Terre les trouva digne d'elle, et elle commença à respirer à nouveau. »
Toutefois, les obsèques se déroulent désormais sans Eucharistie. « Il ne peut y avoir de communion pendant la célébration des funérailles, soit à l’église du village, soit au cimetière. » Pendant la cérémonie habillée d’un peu de musique, de chant, « une prière universelle s’ouvre sur le défunt, la famille, le monde et la situation des professionnels de santé et des malades ».
La bénédiction du corps est proscrite. Les gens ont le choix de s’incliner devant la dépouille, sans poser la main sur le cercueil, « où de faire le signe de croix sur eux-mêmes », poursuit l’abbé qui avoue ne pas porter de masque, « simplement parce que je n’en ai pas ».
Nouvelles solidaritésVingt personnes maximum peuvent y assister et doivent se tenir éloignées les unes des autres. Des contraintes qui ne sont pas acceptées de tous.
« Certains sont un peu fatalistes, quand d’autres grincent des dents, ne voulant pas que le défunt soit enterré “comme une bête” », témoigne l’abbé Boyer. « On a conscience qu’il ne faut pas abandonner les gens dans ces moments-là, ajoute-t-il. Ils ne méritent pas ça. »
Optimiste de nature, l’homme d’Église observe l’émergence d’autres solidarités. Dans la prière d’abord, et par le biais de coups de fil, de courriers manuscrits aussi, « pour transmettre leur amitié, leur compassion ».Habituellement, les funérailles représentent un moment fort, de retrouvailles, afin de rendre un dernier hommage. Avec un maximum de vingt personnes autorisées, le coronavirus change la donne pour les pompes funèbres.
« Quand on se retrouve à vingt personnes au lieu de 200, cela change la donne. Cela fait drôle, ça rajoute une couche supplémentaire de tristesse »
Pour Serge Cassagne, des pompes funèbres éponymes, « les familles sont conscientes de la problématique, que c’est une cochonnerie. Ils sont vraiment raisonnables, continue-t-il. Il y en a qui nous laissent un petit mot, en disant que tout le monde se retrouvera après, quand ce sera fini, et que ce sera encore plus fort. »À Riom-ès-Montagnes, Patrice Delacourt constate la même chose. Il a officié pour deux enterrements mardi, et « les anciens ne viennent plus. Le matin, on avait une petite vingtaine de personnes, on les plaçait dans l’église, à un mètre les unes des autres ». Pas facile cependant de suivre les différentes évolutions. « On appelle la préfecture matin et soir, explique Serge Cassagne. Cela change tous les jours. »
Avant la cérémonie, les choses sont cependant cadrées. Si la personne est décédée du coronavirus, « c’est fermeture du cercueil immédiate ». En cas de suspicion, les employés ont une combinaison spéciale.
Le crématorium de Saint-Cernin, tout juste opérationnel, a fait le choix de rester ouvert. Les petites salles de visualisation, de remise d’urne et d’attente sont limitées à une vingtaine de personnes. La structure est, comme les autres, limitée à vingt personnes, avec un mètre d’écart entre elles.
David Allignon et Pierre Chambaud