Infirmière libérale dans le Puy-de-Dôme, Élodie s'alarme : « On nous laisse partir au front sans armes »
« On est complètement démuni… Comme l’a dit notre président, nous sommes en guerre mais nous, les bons petits soldats, on nous laisse partir au front sans armes ! ».
Infirmière libérale sur le secteur d’Issoire, Élodie vient de lancer un appel à l’aide pour récolter du matériel de protection qui lui fait cruellement défaut.
Elle interpelle les entreprisesVia les réseaux sociaux, elle interpelle : « Il y a des entreprises au chômage technique qui ont du matériel qui ne va pas leur servir pour le moment. Comme ça ne viendra pas d’en haut, c’est à elles que je lance cet appel à la solidarité :
vous avez du gel hydroalcoolique, des masques, des gants, des surblouses, des lunettes de protection, des charlottes… Donnez-le aux infirmiers libéraux.
La priorité est de protéger les patientsPour limiter les risques, son cabinet a déjà séparé les patients en deux tournées, d'un côté les personnes à risques, possiblement infectées, et de l'autre celles qu’il faut absolument protéger.
« On essaie avec nos petits moyens de protéger la population car il faut bien avoir à l’esprit que notre objectif principal est de protéger nos patients », tempête l’infirmière.
« Ce n’est pas pour nous qu’on veut des masques… Je suis certains malades depuis plus de dix ans. J’ai des trachéotomisés, des gens en chimio qui sont en train de se battre contre un cancer, ils n’ont pas besoin d’avoir ça par dessus ! C’est à eux que je pense ! »
Déjà 90 % de risque d’être porteuse du virusAvec fatalisme, elle confie : « J’ai déjà 90 % de risque d’être porteuse ou infectée et de déclarer des symptômes dans les jours qui viennent. Mes enfants sont chez leurs grands-parents depuis trois semaines. Je ne peux pas aller les voir puisque je suis potentiellement infectée et que je risque d’infecter leurs grands-parents. Mon but, c’est d’essayer de protéger tout le monde même s’il y a des sacrifices à faire mais qu’on nous laisse sans moyens, je trouve ça déplorable. »
Pas assez de matériel pour tout le mondeLes masques promis par l’État arrivent au compte-goutte. Mais il n’y en a pas suffisamment. Et pas pour tout le monde.
« Normalement, on devrait avoir 18 masques par infirmier et par semaine. D’abord, tout le monde n’en a pas pas eu et, en plus, c’est nettement insuffisant. Pour rester efficace, il faudrait changer le masque toutes les trois heures. Je vois mon premier patient à 6 heures et le dernier à 21 heures. En tirant un peu sur la corde, comptons trois masques par jour. Pour peu que j’ai un patient qui a de la fièvre ou qui tousse, la première consigne est de lui donner un masque. Sur ma tournée, je peux avoir deux ou trois patients dans ce cas et il va y en avoir de plus en plus… »
En gros, il me faudrait en moyenne au moins cinq masques par jour. Avec 18 masques, je tiens trois jours... mes semaines en font sept parce qu’on travaille aussi les week-ends et les jours fériés !
« En plus de ça, on nous donne des masques chirurgicaux alors qu’il nous faudrait des masques FFP2 qui sont une protection plus élevée pour nous mais surtout pour nos patients », détaille-t-elle.
Photo d'illustration Stéphanie Para.
Des élans de solidarité qui réconfortentMalgré les circonstances, l’infirmière veut croire à la mobilisation citoyenne. « A Issoire, on a eu des élans de solidarité dingues. La carrosserie Varenne nous a fait livrer des combinaisons pour aller au domicile de nos patients et des housses pour protéger nos voitures. Une entreprise nous a donné 200 masques. Je veux montrer que c’est possible, qu’en se mettant tous ensemble, on peut y arriver. »
Il faut s'organiser localementEn cette période de confinement, impossible de mettre en place une grande plateforme départementale qui centraliserait les dons. Il faut limiter les déplacements et privilégier la proximité. Pour faciliter les démarches, Élodie conseille de s’organiser localement : « Que les entreprises qui ont du matériel à donner contactent des cabinets d’infirmiers qui feront le lien avec leurs collègues du secteur ».
A la pénurie de matériel s'ajoutent les volsSur Issoire, Élodie et ses collègues de la Maison médicale du Postillon centralisent déjà le matériel dans un endroit sécurisé, hors des cabinets, pour des raisons de sécurité. Car aux contraintes de la situation s’ajoute la peur des vols.
Désormais, beaucoup d’infirmiers libéraux n’affichent plus de caducée sur leur pare-brise.
« Dans nos voitures, on ne stocke plus rien non plus. Il commence à y avoir de la casse et ça ne sert à rien. Il y a même eu des violences envers des infirmières... », s’insurge Élodie.
Avec cet appel à l’aide, l’infirmière espère mobiliser très largement car si le Puy-de-Dôme et l’Auvergne sont jusqu’à présent moins touchés que d’autres régions, ce n’est qu’une question de temps selon Élodie.
Cette initiative vous intéresse ? Plus de renseignements au 04.73.55.11.69.
Maud Turcan