Vichy : petit carnet de voyage d'un conducteur de bus en période de confinement, sur la ligne B du réseau Mobivie
Au volant de son bus, sur la ligne B du réseau Mobivie, Vincent Bontemps redescend tranquillement l‘avenue de Russie, à Bellerive-sur-Allier, désertée par les voitures. Le soleil chauffe le bitume en ce jour de fin de semaine. Un adolescent qui trompe son ennui en faisant du skateboard se « range » sur le sommet du rond-point, sa planche à la main, et regarde passer le bus. Scène ordinaire de la torpeur d’un après-midi en plein été ? Pas du tout.
Nous sommes le vendredi 20 mars. En pleine période scolaire. Mais dans le bus, pas d’écoliers excités à l’idée d’être en week-end, ni de personnes âgées munis de leurs cabas. Le Covid-19 est passé par là. L’heure est au confinement pour éviter la propagation du virus. Chamboulant le quotidien de la population, mais aussi des chauffeurs de bus de Transdev Vichy.
C’est assez perturbant. On n’a plus nos repères. Il y a beaucoup moins de clients et la fatigue s’installe plus vite
« C’est assez perturbant. On n’a plus nos repères. Il y a beaucoup moins de clients et la fatigue s’installe plus vite », reconnaît, de son poste de conduite, Vincent Bontemps, « protégé » du reste du bus par une rubalise.
Une fréquentation estimée à un client sur cinqDepuis la restriction des déplacements hors du domicile, le réseau Mobivie ne transporte plus qu’un client sur cinq par rapport à sa fréquentation habituelle, selon une estimation de David Edmond, directeur de Transdev Vichy.
« Mais on voit tout de même des gens continuer à se ‘’promener’’ dans nos bus », sourit Vincent Bontemps au moment de quitter la gare de Vichy pour prendre la direction de la côte Saint-Amand. Là, au terminus, avant de faire une nouvelle boucle, le chauffeur s’octroie une pause de quelques minutes. Les portes ouvertes, le moteur éteint, il en profite pour s’enduire les mains de gel hydroalcoolique. Un réflexe désormais. « Je vais repartir avec 3 minutes de retard par rapport à l’horaire prévu. C’est de la régulation préventive », explique le conducteur, qui doit faire attention à ne pas arriver en avance aux arrêts avec cette faible circulation.C'est devenu un réflexe. Vincent Bontemps pofite d'une petite pause au treminus de la côte Saint-Amand pour se nettoyer les mains avec du gel hydroalcoolique.
Deux arrêts plus loin, à « Gerardmer », une dame monte dans le bus vide. « Je suis venue voir ma maman qui a 99 ans et qui est restée chez elle », indique Patricia. Elle sera rejointe dans le bus au niveau du centre hospitalier par un homme venu rendre visite à un membre de sa famille. Il prend place au fond, deux rangées de fauteuil derrière Patricia, qui descend place de Gaulle.
Aucun joggeur sur les bords de l'Allier !Vincent Bontemps poursuit son itinéraire. Monotone. Peu d’arrêts pour faire traverser des piétons. Encore moins pour faire monter des usagers dans son véhicule, dont aucun des 16 sièges n’est occupé pour le moment. « Normalement, de l’avenue de Gramont jusqu’au pont de Bellerive, on prend du monde à chaque arrêt », observe le chauffeur. Là, personne. Sous le pont, le long de la rive gauche de l’Allier, aucun joggeur à l’horizon !
Rue de Navarre, une fois n’est pas coutume, le bus a la voie dégagée. « D’habitude, il faut faire attention car il y a plein de voitures en stationnement », note le conducteur de Mobivie, qui transporte désormais trois générations de la même famille, montées à l’arrêt desservant l’hypermarché Leclerc : Solange, sa fille Virginie et sa petite-fille. « On ne tenait plus dans notre appartement de la cité Clair-Matin. Alors pendant que ma fille faisait les courses, moi je suis restée dehors avec la petite », témoigne la grand-mère, avant de souffler : « Et on n’en est qu’au 4e jour ! »
Pour Odile, le bus est le seul moyend'aller faire ses coursesAprès une nouvelle pause de cinq minutes avec « lavage de mains » au Bellay, Vincent Bontemps reprend la route. Pas besoin de faire un stop à la mairie de Bellerive. « Même le dimanche, d’habitude, il y a au moins une personne qui attend », remarque le conducteur dont le bus transporte désormais Odile, partie faire ses courses. « Heureusement que le réseau continue de tourner car je n’ai pas de véhicule. Avant, mes voisins me prenaient avec eux dans leur voiture. Mais depuis le coronavirus... », sourit cette mère de famille munie d’un masque.Transdev continue de transporter les usagers pendant la période du confinement dû au coronavirus. Réseau Mobivie. Vincent Bontemps, chauffeur de bus à Mobivie
Le bus de la ligne B égrène tranquillement les 27 arrêts de la ligne B. Précaution sanitaire oblige, la porte avant est condamnée, les rares usagers montent désormais à l’arrière du bus. Tout est fait pour protéger les chauffeurs comme les clients des contacts physiques. « Du coup, les "bonjour", "au revoir" ou les "merci" se perdent un peu. Avant, le simple fait de valider les titres de transport à mon niveau permettait d’engager quelques échanges », regrette un peu Vincent Bontemps, ravi en revanche de l’écoute des conducteurs par sa direction, laquelle a mis en place des mesures de sécurité permettant de travailler dans les meilleurs conditions de sécurité (lire ci-dessous).
Une baisse spectaculairede la consommation des busArrêt gare de Vichy. Le chauffeur de Mobivie part pour une nouvelle boucle. Sur une note positive dans cette période de confinement anxiogène. Avec cette circulation fluidifiée, la consommation en carburants chute de manière spectaculaire. « En règle générale, on monte jusqu’à 35 litres aux 100 km, vore plus. Là, j’en suis à 27 litres », compte-t-il. Allez, il est toujours bon de voir le réservoir à moitié plein !
Olivier Rezel
De nouvelles règles de conduite adoptées par Transdev avec le coronavirusTransdev continue de transporter les usagers pendant la période du confinement dû au coronavirus. Réseau Mobivie. David Edmont, directeur de Transdev VichyComment assurer la sécurité sanitaire de ses chauffeurs de bus mais aussi celle de ses usagers face au coronavirus ? Chargée d’exploiter le réseau de transport urbain de l’agglomération vichyssoise, la société Transdev a dû relever ces deux défis. Pour y parvenir, l’entreprise a pris des mesures fortes.« Pour assurer la continuité de notre service public, on a d’abord été à l’écoute de nos agents de conduite qui sont en première ligne. Notre souci premier a été de les protéger », explique David Edmont, directeur de Transdev Vichy qui compte 49 salariés dont 39 conducteurs. Une rubalise a ainsi été installée à l’avant du bus, pour éviter que les usagers s’approchent du chauffeur, d’une certaine façon confiné à son poste de conduite. La porte avant reste fermée à chaque arrêt. Les voyageurs montent uniquement à l’arrière du véhicule, sans avoir à valider leur billet. De la même manière, il n’y a plus d’échange de monnaie. Les usagers qui ne sont pas abonnés n’ont donc pas besoin d’acheter de titre de transport.Le service passe en mode étéà partir du mardi 24 mars« On a multiplié par deux le temps de nettoyage des véhicules avec un effort tout particulier sur le poste de conduite. Les bâtiments sont désinfectés tous les jours. On met à disposition de nos salariés du gel hydroalcoolique dès leur prise de service et des lingettes pour nettoyer les volants des bus », énumère David Edmont, qui a dû se rendre dans une agence Transdev à Saint-Étienne pour se procurer un bidon de 30 litres de gel hydroalcoolique. « On a de quoi tenir trois semaines », sourit-il.Avec les mesures de confinement liées au coronavirus, la fréquentation des huit lignes du réseau Mobivie a baissé de 80 %. Alors qu'il assurait la quasi-totalité de ses rotations, le groupe Transdev, en accord avec Vchy Communauté, a décidé de passer en mode été à partir du mardi 24 mars. « Les conditions de circulation seront modifiées, prévient l'entreprise. A ce titre, la ligne H ne sera pas en activité durant cette période. »