Un cuisinier né à Thiers retrouve des couteaux de son village 9.000 kilomètres plus loin, dans le restaurant de Tokyo où il travaille
Quand Antoine Benoit a la Guillaume s’est envolé pour le Japon, il y a de cela trois ans, cet ancien chef du Clos Saint-Éloi a emporté dans ses bagages son set de couteaux made in Puy-de-Dôme. Une évidence pour le cuisinier, d’autant plus qu’il est Thiernois de naissance : « Un cuisinier, une fois qu’il s’est approprié ses couteaux, il ne s’en sépare plus ! »
Des laguioles de Jean Dubost lost in translationMais l’ancien élève du lycée hôtelier de Chamalières était loin de se douter qu’il croiserait dans la capitale nippone d’autres couteaux venus comme lui du bassin thiernois, situé à quelque 9.000 kilomètres de là. C’est que le Tokyo american club, où il officie depuis presque deux ans, a fait le choix d’équiper ses tables de pièces issues de la coutellerie centenaire Jean Dubost. Des Laguioles fabriqués à Viscomtat, un village d’à peine cinq cents âmes où vit toujours son père et dans lequel il a lui-même grandi.
Une belle histoire de voyages croisés et un clin d’œil du destin qui n’ont pas laissé Antoine Benoit a la Guillaume indifférent.
Quand je les ai vus j’ai halluciné. Pour moi c’est un truc de fou ! J’ai envoyé une photo à mon père, et ça l’a bien fait sourire.
Même émotion du côté de la coutellerie viscomtoise, avec qui il a partagé l’anecdote sur les réseaux sociaux. « Je suis passé dans les ateliers avec sa parution, c’était très chouette, ça a beaucoup plu », relate Séverine Dubost, en charge de la communication digitale.
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L’art de la table et l’art de vivre à la française
La présence des Laguioles français interpelle d’autant plus que le Japon a lui aussi « une belle tradition coutelière », dans laquelle le chef français a d’ailleurs puisé pour compléter son propre équipement. « On trouve pas mal d’artisans, et à Tokyo il y a aussi une rue très connue, Kappabashi-dori, où il y a tout un tas de magasins vendant du matériel de cuisine », indique-t-il. « Le Japon a un savoir-faire axé sur la coutellerie de cuisine », précise Séverine Dubost.
Nous, on apporte plus la partie art de la table et art de vivre à la française.
L’image d’excellence dont jouit la gastronomie française dans le Pacifique peut en effet jouer en faveur de l’artisanat culinaire tricolore. « Les produits français, tout ce qui est gastronomie, la boulangerie, le vin, le champagne, le foie gras, ça a une grosse réputation, et ça a tendance à se développer », avance Benoit a la Guillaume.
Un nouvel univers culinaireMais c’est justement « pour découvrir un nouvel univers culinaire » qu’il n’a pas connu dans sa formation initiale que le cuisinier s’est décidé à voler vers le Pacifique. Aujourd’hui chef teppanyaki, ce n’est plus derrière ses fourneaux mais en face des convives qu’il officie. « Le teppanyaki, c’est une cuisson traditionnelle japonaise : une grande plaque de plus de trois mètres sur un où on cuisine un menu assez ouvert, avec une trame de base qu’on adapte aux goûts des clients. »
L’établissement tokyoïte, dont la clientèle est internationale, sert notamment beaucoup de viandes, d’où la nécessité d’équiper les convives de bons couteaux. Un accessoire qui est autrement loin d’être indispensable dans les restaurants traditionnels japonais : « On mange quasiment tout le temps avec des baguettes, sauf quand on va dans un resto occidental », confirme le Français.
Une histoire de tranchant
La tradition coutelière japonaise comporte son lot de spécificités. Parmi elles, c’est la conception originale des couteaux à poisson qui a le plus dérouté le chef français.
« Il y a une grosse différence avec nos propres couteaux : ils ne sont affûtés que d’un côté de la lame, et pas en “v” comme chez nous. Du coup ça coupe très bien, mais d’un seul côté. Moi je suis gaucher, et comme tous les couteaux sont faits pour les droitiers il m’est impossible de les utiliser ! »
Vincent Enjalbertthiers@centrefrance.com