Coronavirus en Creuse : des aides à domicile en première ligne mais qui se sentent oubliés
Ce qui inquiète le plus Chantal Colas, ce n’est pas nécessairement de n’avoir reçu aucun équipement de protection, ce sont plutôt « les personnes âgées qui sont seules chez elles ». Parce que depuis toujours, cette auxiliaire de vie est au service des autres. Des plus faibles. Cette semaine, elle n’a pas hésité à ressortir faire des courses pour une dame âgée qui ne peut pas les faire elle-même.
Faut-il porter un masque en prévention ?Si elle s’inquiète donc, ce n’est pas pour sa santé mais plutôt pour celle des aînés. En effet, elle ne peut s’empêcher de songer à l’éventualité qu’elle attrape le virus et qu’elle contamine les personnes sur lesquelles elle veille depuis plusieurs mois. Alors, elle gère comme elle peut : lavage des mains, gants, bidon de gel désinfectant - hérité d’une première carrière - à l’arrière de la voiture. Mais ces gestes préventifs ne suffisent pas d’après elle.
« Comme les aides-soignantes ou les infirmières, nous devrions porter des masques. »
Pour Nicole, le détour par la pharmacie est devenu son rituel. Chaque jour, ou presque, elle y retourne, avec l’espoir d’y trouver du gel. En attendant, elle doit continuer sans. Et comme la famille de l’une de ses protégées est bloquée à Paris, elle mettra les bouchées doubles ce week-end. Chez AAD La Souterraine, même topo : « Il n’y a pas de masques si ce n’est quelques dons de certains collègues », rapporte la directrice Anne Penot qui souligne une grosse inquiétude.
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« Les salariés vivent avec cette angoisse au quotidien : est-ce que je ne suis pas porteur sain ? Est-ce que je ne risque pas de transmettre le virus aux plus fragiles malgré le respect de l’hygiène et des distances ? » Certaines familles s’inquiètent aussi de cette situation. « On ne tourne pas normalement mais ce n’est pas le moment de causer économie. »
D’autres comme Andrée Maury, qui travaille pour l’association Elisad à Guéret, sont mieux loties. « Il restait des masques datant sans doute de la grippe aviaire. On sait qu’il y a eu des commandes du Département mais que l’approvisionnement reste difficile. »
Un manque de reconnaissanceAprès, comme le souligne cette salariée syndiquée à la CGT, ce qui complexifie un peu le problème et rend la communication plus difficile, c’est que les aides à domiciles n’ont pas toutes le même statut : il y a les salariés ou prestataires, les mandataires qui sont employés par leur client directement et ceux qui travaillent en chèque emploi-service universel.
Tous les indépendants ou libéraux représentent un peu moins de 10 % des aides à domicile. Pour eux, reconnaît Sophie Quériaud, directrice des solidarités au Département, elle ne peut pas faire grand-chose, « il n’y a pas la possibilité de les toucher directement ». Mais peut-être que cette crise sera l’occasion de réfléchir à cette problématique-là justement…
En attendant, les associations et la profession ne fonctionnent pas normalement, touchées par une baisse d’effectif. Résultat : tout ce qui est ménage a été annulé, confie Vanessa Leclou-Moreira, directrice d’Agardom qui gère un très gros secteur dans le sud creusois. Soit plus de 1.600 bénéficiaires. Pour l’instant, même si ça peut évoluer vite, des aides à domicile avec enfants ont dû arrêter. C’est pourquoi tout ce qui est entretien du logement a été interrompu pour pouvoir renforcer les interventions indispensables comme le lever, le coucher, les repas.
« Les personnes ne peuvent pas se passer de nos auxiliaires de vie. C’est pourquoi elles ont besoin d’un peu de reconnaissance pour les soutenir. Il est tout à fait normal qu’on parle moins des soignants mais il ne faut pas les oublier. »
Or, l’État n’a pas reconnu tout de suite cette profession comme prioritaire, c’est en cours de changement en cette fin de semaine. « Il a fallu rassurer certains qui voulaient se mettre en droit de retrait alors qu’on n’est pas situé dans un foyer épidémique… ». L’heure est à l’écoute, y compris les familles qui ont souhaité récupérer la gestion du quotidien de leurs aînés pendant la crise.
Virginie Mayet
Sophie Queriaud, directrice générale adjointe des solidarités au Conseil départemental de la Creuse.
Les aides à domiciles sont inquiets, les entendez-vous ? Bien sûr. Le Conseil départe-mental est particulièrement mobilisé. Chaque jour, je fais un point avec les sept associations du département. Puis, même si l’arrêté déclarant cette profession comme prioritaire est plus récent, il date du 18 mars, il est là, il faut le temps de le mettre en œuvre mais ça va permettre d’aider à trouver des solutions pour les mamans.La situation des aides à domicile devrait s’améliorer, pourquoi ? Je sais que certaines associations avaient des stocks de masques, d’autres pas. Mais l’ARS vient de récupérer des masques de protection agroalimentaire, c’est mieux que rien. Ces 1.400 masques doivent être distribués à partir de ce vendredi.Tout le monde n’aura pas de masques ? Non, mais je pense qu’il faut rappeler que tout le monde ne doit pas porter de masques car il n’y en aurait pas assez de toute façon. Les personnes âgées sont confinées donc le risque est entre guillemets atténué ; il faut donc les réserver aux plus fragiles et quand il y a un risque.