Pourquoi parle-t-on de sixième extinction de masse de la biodiversité ? On vous explique

La biodiversité est omniprésente dans nos vies. Ce moustique que vous chassez, cette plante que vous arrachez, ce poisson que vous mangez… Depuis vingt ans, les scientifiques alertent sur la disparition d’espèces animales et végétales. On vous explique…

Pourquoi ce sujet ? Moins connu que les alertes liées au changement climatique, le déclin de la biodiversité est alarmant. Les scientifiques qui l’étudient parlent d’une sixième extinction de masse des espèces. Plus rapide que les précédentes et causée par l’activité humaine.

De l’emblématique abeille à la mal aimée araignée. Du microscopique plancton au plus gros mammifère, la baleine bleue. Du champignon au baobab… 

Regroupant toutes les espèces animales et végétales et leurs milieux, la biodiversité est essentielle. "La biodiversité constitue l’ensemble du tissu vivant (des gènes aux écosystèmes), dont on fait partie, et de leurs interactions sur la planète. Elle nous apporte des services essentiels à notre bien-être, que ce soit celui de la société, et à titre individuel, pour se nourrir, pour la santé, pour les vêtements, également des services de régulation, comme la fourniture d’oxygène. La majorité de l’oxygène vient de l’océan", décrypte Coline Léandre, responsable du comité français de l’IPBES à la Fondation pour la recherche sur la biodiversité.

Des éléments de biodiversité participent à maintenir des conditions vivables sur terre, comme les micro-organismes du sol, ou les plantes phytoremediatrices.

Pourtant, la biodiversité est au plus mal selon les experts mondiaux, qui parlent de la sixième crise d’extinction, à l’échelle de la vie sur la planète.

IPBES : un sigle en anglais qui signifie Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. C’est un groupe international d’experts indépendants qui publie des travaux scientifiques sur l’état de la biodiversité internationale.

Un million d’espèces menacées d’extinction

"Il y a une extinction massive des espèces animales et végétales. Un million d’entre elles sont menacées d’extinction et devraient disparaître d’ici 30 à 50 ans" (ndlr : parmi les espèces connues et suivies). On a pour la première fois une extinction massive qui est uniquement causée par les activités humaines.

Si on la compare avec les extinctions précédentes comme celle des dinosaures, on est sur un taux d’extinction qui est 1.000 à 10.000 fois plus rapide. C’est inquiétant.

Les espèces charismatiques comme les pandas, panthères, sont menacées d’extinction. Mais c’est aussi le cas d’espèces communes, comme les moineaux. "En France, sur les trente dernières années, un tiers des oiseaux communs ont disparu. On appelle cela des disparitions silencieuses, car personne n’en parle, car ce sont des espèces qui ne sont pas mises en avant. C’est aussi le cas des espèces qui ne sont pas aimées, comme des espèces de moustiques, et cela peut engendrer des difficultés pour la pollinisation", souligne la spécialiste. En Europe, les trois quarts des insectes volants auraient disparu.

Comment les extinctions sont-elles évaluées ?

Ces données s’appuient sur des recensements faits à l’échelle mondiale par les naturalistes, à travers des comptages d’espèces, mais aussi des estimations et des méthodes de modélisations, qui permettent de prédire l’avenir pour l’évolution des populations. "L’UICN classe les espèces selon leur degré de vulnérabilité. Pour cela, ils regardent si la population est viable et peut se reproduire sans intervention humaine. Des paramètres sont mesurés et quand un certain seuil est dépassé, on peut dire que si la biodiversité est en déclin ou pas. L’impact des activités humaines sur la biodiversité est aussi un indicateur", explique Coline Léandre. Toutefois, impossible d’être exhaustif et certaines espèces animales et végétales sont peu connues et moins suivies. Les scientifiques estiment qu’il existe huit millions d’espèces, hors micro-organismes, deux millions d’espèces sont connues.

UICN : l’Union internationale pour la conservation de la nature établit une liste rouge qui constitue l’inventaire mondial le plus complet de l’état de conservation global des espèces végétales et animales.

La dégradation de leurs habitats, avec le changement d’utilisation des terres et des mers, est l’une des raisons principales : 2 millions d’hectares de forêts ont été perdus depuis les années 1990, "l’équivalent, en termes de superficie, de l’Europe de l’Ouest"?; 85 % des zones humides ont disparu, à l’échelle mondiale"en France, on est très concernés. Il y a des espèces qui ne vivent que dans les zones humides".

La surexploitation des ressources naturelles est aussi une explication : "c’est la première cause de déclin de la biodiversité marine, avec la surpêche".

"Tout ce que l’on fait en termes de production, de consommation induit toutes ces causes et augmente les facteurs de déclin. Plus on va produire et consommer, plus on va augmenter ces facteurs de déclin", souligne-t-elle.

Les causes de déclin sont multiples : les pollutions, le changement climatique, les événements climatiques extrêmes, l’introduction d’espèces exotiques envahissantes, le commerce international "quand il n’est pas bien contrôlé". Tout n’est pas perdu?! Des réintroductions d’espèces fonctionnent comme les castors, la loutre… 

Comment chacun peut agir à son niveau ?

"Les deux premières causes d’extinction, la dégradation de l’habitat et la surexploitation, touchent beaucoup à notre alimentation. Il faut revoir par exemple notre consommation, s’approvisionner localement, de saison, et réduire sa consommation de viande. Ce n’est pas que pour l’environnement, c’est aussi bénéfique pour la santé. Cela ne revient pas à se priver mais plutôt à remplacer une partie de ces apports par des protéines végétales. Si c’est fait à grande échelle, cela permet de réduire notre besoin en terres agricoles, puisque cela réduit notre besoin en terres pour nourrir les animaux, et cela permet d’utiliser une partie de celles-ci pour l’alimentation humaine", conseille Coline Léandre. 

"Il faut résoudre les causes de déclin, par exemple, en subventionnant une agriculture plus durable… Et réinterroger notre place parmi la nature, on n’est pas supérieurs à elle. Les entreprises doivent mieux comprendre leur impact sur la biodiversité, pour beaucoup c’est leur matière première."

Elle recommande de se renseigner quand on achète du poisson pour savoir comment et où ils ont été pêchés pour éviter des méthodes qui détruisent les fonds marins, et savoir s’il provient d’une zone en surpêche. 

Au niveau global, elle estime que des décisions doivent être prises pour la conservation des écosystèmes. Gestion efficace des aires protégées, restauration écologique, meilleure connectivité des espaces naturels en milieu urbain…

Cindy Roudier-Valaud