Le Festival de l’Imaginaire assassiné!
La XXVIIIe et dernière édition se tient à Paris du 13 au 21 juin
Unique au monde dans son genre, le Festival de l’Imaginaire a fait accourir à Paris et ailleurs en France les manifestations artistiques ou cultuelles les plus authentiques de peuples de tous les continents. Il obéissait à cette image et à cette politique généreuse d’une France universaliste ouverte aux civilisations du monde et à leurs traditions séculaires.
Alors que la France aujourd’hui souffre indéniablement d’une immigration incontrôlée de malheureux déracinés dont le surnombre finit par altérer sa propre identité, le Festival de l’Imaginaire tout au contraire s’est voué depuis 1982 à découvrir et affirmer le meilleur du patrimoine immatériel des peuples du monde. En près d’une trentaine d’éditions, il aura enrichi notre perception des autres cultures, des autres peuples, en nous ouvrant au génie créateur multiforme de l’humanité entière. C’est pourtant à ce festival que le ministère de la Culture donne aujourd’hui le coup de grâce en supprimant la dernière et misérable subvention de 200 000 euros accordée à la Maison des Cultures du Monde qui l’a créé et qui va disparaître avec lui. Elle doit se saborder faute de moyens pour survivre, alors qu’aux temps fastes elle bénéficiait d’un million d’euros de subventions. Pour 200 000 euros donc disparaît une institution unique en son genre… cependant par exemple qu’un seul sénateur coûte au pays à peu près 135 000 euros par an. Voire plus d’un million, si l’on divise les 353 millions de largesses que l’État verse au Sénat, par le nombre de sénateurs qui sont 348…
Or on n’a toujours pas prouvé que l’existence du Sénat était indispensable à la survie à la nation quand la Culture l’est indéniablement.
Le génie des peuples
Ballet royal du Cambodge, gamelans d’Indonésie ou danses des cours royales de Java, chants des llaneros de Colombie, hymnes de l’Eglise des Coptes de l’Egypte, théâtre masqué du Kerala et danses sacrées de l’Inde, théâtre Nô du Japon, samba et mazurka du Cap Vert, sorties de masques des Dogons du Mali, candomblé du Brésil, théâtre Tchiloli de l’ile de Sao Tomé, opéra du Jardin des Poiriers de la Chine ancienne ou marionnettes de Taïwan, danses de l’Andalousie, confréries soufies d’Albanie ou de Turquie, chants bretons, rites du Pérou célébrant la Vierge du Carmen, conteurs venus d’Islande, son de Vera Cruz, au Mexique, théâtre balinais, danses de cour de Corée, canzuna a la carritera de Sicile, masques Makishi du Zimbabwe, jota de l’Aragon, rituels, musiques, danses et théâtre traditionnels du monde entier : ces manifestations du génie des peuples, et cent autres encore, en grand danger de disparaître sous les coups du fanatisme musulman, des prêcheurs évangélistes américains, du tourisme massif, de la modernité aveugle, du désintérêt et de l’imbécillité des gouvernements, de l’ignorance en général, toutes ont été présentées par le Festival de l’Imaginaire qui a contribué ainsi à leur fragile survie.
Cette programmation est donc la dernière. Et rien ne pourra remplacer la science, la générosité et la pertinence du Festival de l’Imaginaire fondé par Cherif Khaznadar et Françoise Gründ, puis dirigé par Arwad Esber, au moment où les tensions augmentent si dangereusement dans le monde, où les dialogues les plus cruciaux entre les peuples sont compromis, où la lutte contre le racisme et la barbarie est plus essentielle que jamais.
Ni la programmation erratique du Musée des Arts premiers, au quai Branly, ni les rares concerts de musique indienne ou persane du Théâtre de la Ville, ni les rarissimes apparitions des cultures traditionnelles dans les festivals français ne combleront le vide douloureux laissé par le Festival de l’Imaginaire ou ne se substitueront aux idéaux de la Maison des Cultures du Monde. Cette disparition en est d’autant plus lamentable, sinon scandaleuse.
Elle reflète l’indifférence aux cultures venues de loin, la misère de la politique d’un ministère passé sous la coupe d’une arriviste sans aucune légitimité à son poste, la petitesse de vue des pouvoirs publics qui ne savent plus défendre une certaine image de la France. Et cette image passait par l’ouverture de notre pays aux manifestations artistiques séculaires venues du monde entier.
Festival de l’Imaginaire
13 juin, 20h : Le Turc Kudsi Ergüner (ney), l’Irakien Omar Bashir (oud), la Syrienne Waed Bouhassoun (chant). Théâtre de l’Alliance française
14 juin, 20h : Tablao flamenco. Théâtre Zingaro, Aubervilliers
15 juin, 11h30 : Musique flamenca, chant et guitare. Square Trousseau. Concert gratuit. 16 juin, 20h : Ensemble Waed Bouhassoun. Théâtre de l’Alliance française.
17 juin, 20h : Ensemble Dudukner, d’Arménie. Théâtre de l’Alliance française.
18 juin, 20h : Chants soufis d’Alep Dhikr Qâdirî Khâlwatî. Théâtre de l’Alliance française. 19 juin, 15h30. Théâtre d’ombres. Iara, une légende amazonienne. Alliance française.
19 juin, 20h. Samba de Itapuâ. Rumo do Vento. Théâtre de l’Alliance française.
20 juin, 20h. Musiques et danses coréennes. Théâtre de l’Alliance française
21 juin, de 15h à 16h30. Rencontres d’ethnoscénologie. Théâtre de l’Alliance française 22 juin, 18h. Chamamé d’Argentine. Théâtre Berthelot, Montreuil.
Festival de l’Imaginaire ; 06 19 77 45 03 ou billeterie@maisondesculturesdumonde.com
L’article Le Festival de l’Imaginaire assassiné! est apparu en premier sur Causeur.