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Cancer : enquête sur les avancées (et les fausses promesses) de la recherche

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On dit de Valérie, 56 ans, qu’elle a "bonne mine". Qu’elle n’a pas l’air "malade". Peut-être est-ce dû à cet infatigable entrain, elle qui a toujours eu une énergie "débordante" et mille projets à la fois, cadre dans l’assurance et élue d’une petite commune du sud de la région parisienne. Difficile de deviner qu’elle a frôlé la mort, et qu’elle se bat encore pour la tenir à distance. Il y a cinq ans, les médecins lui ont diagnostiqué une tumeur maligne. Apprendre que l’on a un "adénocarcinome pulmonaire de stade 4", cela met un coup, mais moins que les mots qui viennent juste après, ceux qui disent que guérir est impossible, et qu’il faut désormais voir le futur comme un goutte-à-goutte, jour après jour plutôt qu’années après années.

Voilà à peine une décennie, Valérie n’aurait pas tenu un an. Grâce aux avancées de la science, elle a déjoué ce pronostic, et continue de sortir, de dîner avec des amis, de voyager même. Une vie normale ou presque, hormis cette grande fatigue qui l’empêche de travailler, et ce souffle dans la voix, qui rappelle que les exploits d’un jour, dans la lutte contre le cancer, peuvent à tout moment s’estomper. Comme beaucoup de patients, Valérie s’est mise à lire tout ce qu’elle pouvait sur le cancer. Quand la presse généraliste ne suffisait plus, elle s’est plongée dans les articles scientifiques. Des études loin de dépeindre un tableau totalement noir.

Le "crabe", pourtant, continue de faire peur : il reste la principale source d’inquiétude en matière de santé pour 80 % des Français, selon un sondage réalisé pour l’Institut national du cancer. Pourtant, dans les laboratoires comme dans les hôpitaux, les succès s’enchaînent. Il y a quelques années, les leucémies de l’enfant ou les mélanomes métastatiques équivalaient à une condamnation à mort, systématique et rapide. Ce n’est plus toujours le cas aujourd’hui. Certains cancers pourraient même être renvoyés aux oubliettes de l’histoire, comme celui du col de l’utérus, grâce à la vaccination contre les virus qui les causent (les papillomavirus). Autant de batailles gagnées, de petits miracles, qui, adossés au foisonnement de la recherche, donnent de l’optimisme. "Même si certaines formes de la maladie n’ont pas encore pris le train du progrès, on a considérablement amélioré les chances de guérison ces vingt dernières années", se réjouit le Pr Norbert Ifrah, le président de l’Institut national du cancer (INCa). Pour ce spécialiste, un jour, peut-être, les scientifiques pourraient bien "gagner la guerre contre les cancers", comme le promettait le président des Etats-Unis Richard Nixon dans les années 1970.

Gagner la guerre contre le cancer

Il faut décortiquer les données pour comprendre sur quoi se fonde l’espoir. En apparence, le panorama reste sombre. Dans le monde, le nombre de malades a plus que doublé depuis 1990, selon une récente étude. Plus de 20 millions de nouveaux patients sont diagnostiqués chaque année, dont 433 000 en France, et le cancer demeure la première cause de mortalité dans l’Hexagone. Des chiffres effrayants, mais qui s’expliquent avant tout par l’augmentation et le vieillissement de la population. Corrigée de ces effets démographiques, la photographie devient moins morose. Les taux de mortalité dits "standardisés" ne cessent de reculer : au niveau individuel, le risque de décéder d’une tumeur diminue. En France, les données de l’INCa montrent une baisse de la mortalité par cancer de 0,5 % par an chez les femmes et de 2,1 % chez les hommes, en moyenne, entre 2012 et 2022. Une tendance qui se serait poursuivie depuis, selon des projections européennes récentes parues dans Annals of oncology.

Ces victoires relèvent d’abord de la prévention. La lutte contre le tabac, la consommation excessive d’alcool, la malbouffe ou la sédentarité, responsables de près de la moitié des cancers, porte ses fruits : autrefois grimpante, l’incidence des tumeurs du poumon, de la bouche, de l’œsophage ou encore de l’estomac recule, au moins chez les hommes. En parallèle, les dépistages et l’amélioration des outils de diagnostic permettent de détecter plus tôt les tumeurs. Un levier essentiel : "Un cancer du sein détecté à un stade métastatique, c’est 26 % de survie à cinq ans. Au stade précoce, avant que la tumeur ne se répande dans l’organisme, les chiffres atteignent 90 %", insiste le Dr Claire Morgand, directrice de la direction de l’observation, des sciences des données et de l’évaluation à l’INCa. "L’un des grands enjeux du moment, c’est de développer des outils pour améliorer l’efficacité du dépistage, en identifiant et en suivant de façon plus individualisée les populations les plus à risque", confirme le Pr Alain Puisieux, le président de l’Institut Curie.

"La frontière de la guérison a bougé"

En attendant, l’arsenal thérapeutique ne cesse de se remplir et de se raffiner. Après la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie, sont arrivées les thérapies ciblées, qui visent les mutations à l’origine des tumeurs, et l’immunothérapie, qui permet de débloquer toute la puissance de notre système immunitaire. Elles ont amené des avancées spectaculaires, y compris pour une partie des patients dont la maladie se trouve à un stade avancé – sans doute le changement le plus important des dernières années. "La frontière de la guérison a bougé : ce n’est plus systématiquement la métastase. Avant, la diffusion de la tumeur dans l’organisme bloquait nos espoirs de maîtriser la maladie. Aujourd’hui, dans un nombre croissant de cas, on arrive à prolonger la vie de ces patients", constate le Pr Eric Solary, vice-président de la Fondation Arc.

Les malades gagnent de précieuses années. "Les progrès vont tellement vite que cela peut parfois leur donner la possibilité d’accéder à l’innovation suivante, qui va encore leur offrir du temps supplémentaire", constate le Pr Fabrice Barlesi, directeur général de Gustave Roussy, le premier centre européen de lutte contre le cancer. Emma peut en témoigner. Comptable en région parisienne, diagnostiquée d’un cancer du sein métastatique lors de sa découverte en 2013, elle mesure le chemin parcouru depuis le début des années 2000, quand sa maman a été frappée du même mal. "Les seuls traitements alors disponibles la rendaient trop malade, et elle est décédée très vite après une rechute", se souvient-elle. Emma, elle, a enchaîné des traitements qui lui ont permis de reprendre le contrôle sur ses tumeurs à chaque fois que celles-ci recommençaient à grossir. Parmi eux, deux hormonothérapies et maintenant un traitement innovant, appelé anticorps conjugué, ou "ADC" (antibody-drug conjugate), en cours d’évaluation dans le cadre d’un essai clinique de phase II organisé sous l’égide du centre Gustave Roussy.

Les ADC ? Des molécules de chimiothérapie attachées à des anticorps de synthèse capables de se fixer directement aux cellules tumorales : de véritables bombes de haute précision. Dans le cas d’Emma, elles ont réduit ses métastases de près de 80 % : "Je fais du sport, je voyage – j’ai pu aller à Copenhague et même au Japon. Ce n’est pas une partie de plaisir, mais c’est incomparable avec ce qu’il se passait dans les décennies précédentes". Depuis 2017, 15 ADC ont été approuvés et près de 300 essais se trouvent en cours, selon le cabinet Iqvia. Mais ils ont aussi leurs limites : "Ces traitements, comme souvent, ne fonctionnent que pour des groupes restreints de malades. Ils peuvent aussi présenter de fortes toxicités, et leur efficacité n’est pas toujours durable", nuance le Pr Christophe Le Tourneau, ex-directeur des essais cliniques précoces à l’Institut Curie, aujourd’hui directeur adjoint de la recherche clinique de Gustave Roussy et de l’IHU Prism.

Mais si les métastases ne sont plus toujours synonymes d’un décès rapide, la guérison reste encore trop souvent un horizon inaccessible. Et pour certains cancers dits "de mauvais pronostic" (pancréas, glioblastome…), les taux de survie à cinq ans ont peu progressé. Sans compter qu’à côté des "vraies" innovations, toute une partie des nouveaux médicaments lancés depuis les années 1990 n’ont apporté "qu’un bénéfice minimal ou nul", selon une étude publiée début 2024 dans le British medical journal. "Les cancérologues se réjouissent de prolonger la vie de certains malades, c’est bien, mais la réalité, c’est que la plupart des progrès sont incrémentaux, c’est-à-dire modestes. Il faut aussi le dire", rappelle le Pr Fabrice André, le président de la société européenne d’oncologie médicale (ESMO) et directeur de la recherche de Gustave Roussy.

Demain, des thérapies plus innovantes

Dans cette guerre d’usure, d’où viendront les prochaines avancées ? La radiothérapie interne, où les scientifiques accrochent à des anticorps des composés radioactifs, suscite un grand intérêt. Devenue un standard de soins contre les cancers métastatiques de la prostate, elle fait l’objet d’investigations dans d’autres tumeurs. "Des anticorps peuvent aussi servir à rapprocher cellules immunitaires et cellules tumorales, pour que les premières s’accrochent aux secondes et les détruisent", indique le Pr Eric Vivier, président du Paris Saclay Cancer Cluster, qui développe lui-même plusieurs de ces "anticorps bispécifiques" avec la start-up Innate pharma. Des vaccins thérapeutiques, destinés à empêcher les rechutes, se trouvent aussi en essais de phase 3 - leurs résultats sont très attendus.

Et les chercheurs n’en ont pas fini d’exploiter la puissance de notre immunité. "Il y a une véritable effervescence autour des thérapies cellulaires", constate Fabrice André. Très efficaces contre certains cancers du sang, les CAR-T cell, qui consistent à reprogrammer génétiquement les cellules immunitaires des patients pour les diriger contre les cellules cancéreuses, ont longtemps buté contre les tumeurs solides. Mais pour la première fois, des résultats encourageants ont été présentés mi-octobre lors du congrès de l’ESMO, contre un cancer rare de l’œil. Plus fascinant encore, certains scientifiques développent des CAR-T cells dits "in vivo". Ils visent à faire produire les CAR-T directement dans nos cellules, grâce à la technologie de l’ARN messager. De nombreux essais se trouvent en cours : "S’ils aboutissent, ils présenteraient l’avantage de beaucoup réduire le coût de ce type de thérapie", note Eric Vivier.

Au fur et à mesure que l’arsenal s’enrichit, les médecins doivent aussi apprendre à utiliser au mieux ces nouvelles armes. "Nous devons comprendre comment les combiner, dans quel ordre les prescrire, ajuster les doses… C’est un champ de recherche en soi, qui permet aussi de gagner en efficacité", rappelle le Pr Norbert Ifrah. Reste que mener des essais combinant deux ou plusieurs médicaments ne va pas toujours de soi : "Il faut arriver à convaincre les laboratoires pharmaceutiques de travailler ensemble, alors que les logiques industrielles ne sont pas toujours alignées", constate le Pr Hugues de Thé, directeur de l’Institut de la Leucémie (cofondé par l’AP-HP, le Collège de France, l’Université Paris-Cité et l’Inserm), dont ce sera justement l’un des objectifs.

L’analyse en cellule unique, petite révolution

Mais faire vraiment la différence passera, demain, par une meilleure compréhension encore des mécanismes à l’œuvre. "Les traitements actuels ciblent soit l’immunité, soit les cellules qui se multiplient de façon incontrôlée. Nous passons toutefois encore à côté d’un autre aspect : les mécanismes d’adaptation des cellules malignes, distincts de leur capacité de prolifération. Certaines cellules savent en effet s’adapter aux armes que nous leur opposons", insiste le Pr Puisieux. Pour beaucoup d’experts, c’est là que se trouve vraiment la clé des victoires futures. Si les scientifiques peuvent explorer cette question, c’est qu’ils disposent d’une nouvelle technologie : l’analyse en cellule unique, ou single cell.

"Jusque-là, pour décrypter le génome, les chercheurs prenaient un échantillon de tissu, et le séquençaient. S’il comportait des cellules bleues et des jaunes, ils trouvaient du vert", schématise Fabrice Barlesi. Avec le single cell, chacune des cellules d’un prélèvement peut être étudiée, grâce notamment aux avancées de la microfluidique. "Elles sont toutes séparées et enfermées dans des microgoutelettes, qui sont autant de tubes à essai miniaturisés. A partir de là, on peut les analyser, les séquencer et identifier avec précision leur nature et leurs caractéristiques : les différentes cellules tumorales et immunitaires, les cellules de support, leurs proportions respectives…", détaille Céline Vallot, chef d’unité à l’Institut Curie et l’une des responsables de sa plateforme de single cell.

Mieux encore, grâce à une autre technique appelée transcriptomique spatiale, les scientifiques savent même comment ces cellules s’organisent dans l’espace. De quoi comprendre comment elles interagissent entre elles et évoluent dans le temps, grâce à des prélèvements répétés sur les patients. "Ces analyses génèrent des masses d’informations gigantesques. L’intelligence artificielle est indispensable pour structurer ces données et nous aider à formuler des hypothèses, en limitant certains biais humains", souligne Claire Rougeulle, la directrice du centre de recherche de l’Institut Curie. De quoi accélérer les découvertes, mais aussi améliorer le diagnostic des patients. "Au-delà des analyses génétiques déjà proposées en routine, elles permettront bientôt d’affiner encore la classification des tumeurs, de mieux suivre l’efficacité des traitements, ou de repérer plus tôt le risque de rechute", indique Céline Vallot, qui a lancé une start-up, One biosciences, dans ce but.

Mieux organiser le système de soins

Mais tous ces progrès ne seront rien s’ils restent inaccessibles aux patients. Dans notre pays, ce n’est pas tant une question financière que d’organisation des soins. Car les malades n’ont pas les mêmes chances s’ils sont pris en charge dans un centre de pointe, ou dans un hôpital de proximité. "Les données montrent que la probabilité de guérison est plus grande dans les centres qui traitent beaucoup de malades. Ce fait est documenté depuis longtemps pour la chirurgie – on opère bien que ce que l’on opère souvent – mais c’est vrai aussi pour les prises en charge médicales", insiste le Pr Barlesi.

La réponse ? Organiser des réseaux entre structures de proximité et centres très spécialisés, pour que les patients circulent de l’un à l’autre selon leurs besoins. On en est loin, comme l’a rappelé l’Académie de Médecine dans un rapport fin 2024 : "Une part significative des malades ne se voient pas offrir les soins nécessaires, à cause de ce manque d’organisation à l’échelle des territoires", expliquait l’un de ses coauteurs, le Pr Eric Lartigau, directeur du centre de lutte contre le cancer Oscar-Lambret à Lille. Pour vraiment remporter la guerre contre le cancer, il faudra faire mieux.















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