Duo d’âmes solitaires aux Martyrs
"Privés de feuilles, les arbres ne bruissent pas" : une création mi-austère mi-sensible de la compagnie Belle de Nuit.
Une caravane, un arbre nu, une femme assise, une autre sortant à peine du sommeil : l'entrée en matière de Privés de feuilles, les arbres ne bruissent pas installe une espèce d'intimité – qu'accentue le rapport de proximité entre plateau et public de la petite salle – dont peu à peu on va interroger la source.
Gaby et Dom se préparent : quelqu’un doit venir devant qui il s’agira pour elles de se montrer sous leur meilleur jour. Élégantes mais aussi cohérentes, formant une unité.
Entre les mots de Magne van den Berg (dans la traduction d’Esther Gouarné) s’esquissent les lignes de leurs parcours. Tandis qu’au fil de leur dialogue – rythmé d’injonctions, de questions rhétoriques, d’automatismes de défense – on décèle les mécanismes qui régissent leur relation.
Histoires hors-champ
Pour interpréter ces Vladimir et Estragon au féminin (car il y a bien du Godot derrière leur attente, du Beckett dans l’économie de mots de l’autrice néerlandaise), Georges Lini met en scène Marie du Bled et Laurence Warin, jouant de leurs différences, leur singularité, leur complémentarité comme actrices plutôt que de la composition de leurs personnages.
En sort un véritable couple théâtral dont la dynamique nourrit la dramaturgie : hors-champ, des histoires de domination et de violences masculines subies respectivement par Gaby et Dom qui, dans le présent de leur vie volontairement recluse, perpétuent le rapport de force.
Nature humaine
De quoi se mêle donc un "metteur en scène blanc de plus de 50 ans" dirigeant "deux femmes pour raconter une histoire de femmes" ? Ironisant lui-même sur la situation, Georges Lini indique avoir pour ligne, avec sa compagnie Belle de Nuit, de "parler de l'être humain en général", en dehors de toute mode ou de tout calcul.
C’est bien la nature humaine que met en perspective Magne van den Berg – d’une plume nourrie de sa propre expérience de comédienne et de mime.
Bien moins métaphorique que ne le laisse supposer son titre, Privés de feuilles, les arbres ne bruissent pas cisèle par l'ordinaire dialogué – ses brèches, ses heurts, ses impasses, son tempo mi-austère mi-sensible – les implacables rouages menant au dénouement. Une fin en forme d'ouverture à la réflexion plutôt que de conclusion.
- Bruxelles, Martyrs, petite salle, jusqu'au 2 avril, à 20h15 (mardi et samedi à 19h, dimanche 27/3 à 15h). Durée : 1h. Infos, rés. : 02.223.32.08 – www.theatre-martyrs.be