Guerre en Ukraine: le prix Nobel de la paix Dmitri Mouratov contraint de suspendre son journal
L’interview du président Zelensky à des médias russes a été censurée.
Volodymyr Zelensky n'a cessé d'appeler, ces derniers temps, à la tenue de négociations entre Vladimir Poutine et lui-même. "Peu importent les discussions entre nos équipes de négociateurs, je pense que seuls nous deux, moi et Poutine, pouvons parvenir à un accord", avait-il déclaré le 20 mars dernier. Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, lui a répondu lundi par une fin de non-recevoir. Une rencontre entre les deux chefs de l'État se révélerait "contre-productive", a-t-il affirmé alors que s'ouvrait, cette semaine à Istanbul, un nouveau cycle de pourparlers entre négociateurs des deux pays.
"La dénazification et la démilitarisation de l'Ukraine sont des éléments obligatoires de l'accord que nous essayons d'obtenir", a affirmé Sergueï Lavrov. La rencontre au sommet ne pourra, selon lui, avoir lieu qu'"une fois que nous aurons une visibilité sur le règlement de ces questions clés". La question de la neutralité de l'Ukraine, que sous-tend le mot "démilitarisation", est "étudiée en profondeur" à Kiev, a assuré le président Zelensky, dimanche, dans une interview accordée à des médias russes. "Nous sommes prêts à l'accepter", a-t-il ajouté, mais pas sans garanties de sécurité bétonnées. "Je ne veux pas que ce soit encore un papier du style des mémorandums de Budapest", a-t-il justifié, rappelant l'existence de ces accords, signés par la Russie en 1994, garantissant l'intégrité et la sécurité de l'Ukraine (entre autres), en échange de l'abandon des armes nucléaires héritées de l'URSS, et qui ont été violés par Moscou en 2014.
Les Russes n'auront toutefois pas pu lire ni entendre cette interview d'une heure et demie accordée, en visioconférence, à des journalistes de la chaîne de télévision Dojd, du site Meduza et du quotidien Kommersant. Les deux premiers, bloqués en Russie en mars pour avoir "diffusé des fake news" sur "l'opération militaire spéciale" en Ukraine, l'ont rendue disponible sur YouTube. Le troisième s'est vu intimer l'ordre, par le gendarme russe des télécoms, de ne pas publier l'entretien. Roskomnadzor a aussi indiqué que les journalistes présents seraient poursuivis. Parmi eux, Mikhail Zygar, auteur du livre Les hommes du Kremlin, venu poser une question de la part de Dmitri Mouratov, rédacteur en chef de Novaïa Gazeta et prix Nobel de la paix.
Le lendemain, le journal indépendant a annoncé suspendre ses publications, face à la "censure", après avoir reçu un second avertissement de Roskomnadzor, en moins d'une semaine, pour manquement à la loi controversée sur les "agents de l'étranger". "Il n'y a pas d'autre solution", a écrit Dmitri Mouratov, dans une lettre adressée aux lecteurs du journal. "Pour nous, et, je le sais, pour vous, c'est une décision terrible et douloureuse. Mais il faut que nous nous protégions les uns des autres."