Nouvelle-Calédonie : une "situation plus calme" mais certains quartiers toujours hors de contrôle
Après quatre nuits de violente contestation contre une réforme électorale votée à Paris, le calme est-il en train de revenir progressivement en Nouvelle-Calédonie ? L’archipel était dans "une situation plus calme" ce vendredi, selon les autorités locales, à l’exception de quartiers hors de contrôle que l’Etat va tenter de "reprendre".
Dans un communiqué publié ce vendredi matin, le Haut-commissariat s’est voulu rassurant. "L’état d’urgence a permis, pour la première fois depuis lundi, de retrouver une situation plus calme et apaisée dans le grand Nouméa, malgré les incendies d’une école et de deux entreprises", a-t-il affirmé. La nuit de jeudi à vendredi a été "marquée par l’arrivée des renforts envoyés" de l’Hexagone, a ajouté la même source. Le gouvernement avait annoncé quelques heures plus tôt l’envoi d’un millier d’effectifs de sécurité intérieure, en plus des 1700 membres des forces de l’ordre déjà sur place.
L’armée s’est également déployée pour sécuriser les ports et l’aéroport du territoire, désormais sous le régime de l’état d’urgence décrété par le gouvernement mercredi soir. L’interdiction de rassemblements, de transport d’armes et de vente d’alcool, ainsi que le couvre-feu de 18 heures à 6 heures restent en vigueur. La situation sur l’archipel "reste très tendue, avec des pillages, des émeutes, des incendies, des agressions qui sont évidemment insupportables et inqualifiables", a estimé Gabriel Attal jeudi après-midi (heure de Paris). Le chef du gouvernement avait indiqué qu'"une circulaire pénale" serait publiée par le garde des Sceaux pour "garantir les sanctions les plus lourdes contre les émeutiers et les pillards".
Les infos à retenir
⇒ Le contrôle de certains quartiers du Grand Nouméa "n’est plus assuré"
⇒ Une personne soupçonnée d’un homicide s’est rendue aux forces de l’ordre
⇒ Le Pen ouverte à un nouveau référendum d’autodétermination "dans 40 ans"
Le contrôle de certains quartiers "n’est plus assuré"
Même si la tension a redescendu d’un cran, le contrôle de plusieurs quartiers en Nouvelle-Calédonie "n’est plus assuré", a reconnu ce vendredi le représentant de l’Etat sur ce territoire français du Pacifique sud, espérant que des renforts permettront de "reconquérir" ces zones après quatre nuits de tensions. "Des renforts vont arriver […] pour contrôler les zones qui nous ont échappé ces jours derniers, dont le contrôle n’est plus assuré", a déclaré devant la presse à Nouméa le Haut-commissaire de la République, Louis Le Franc.
Près d’un millier d’effectifs de sécurité intérieure, notamment des policiers et des gendarmes, sont arrivés sur le Caillou dans la nuit de jeudi à vendredi, s’ajoutant aux 1700 membres des forces de l’ordre déjà sur place. Ces renforts doivent permettre de "reconquérir tous les espaces de l’agglomération (de Nouméa) que nous avons perdus et qu’il nous appartient de reprendre le plus rapidement possible", a encore déclaré Louis Le Franc.
Le représentant de l’Etat a fait référence à "trois zones", des quartiers défavorisés du Grand Nouméa peuplés majoritairement d’autochtones. Il a désigné les quartiers de Kaméré, de Montravel, et "une partie de la Vallée du Tir", décrits comme "des zones où il y a plusieurs centaines d’émeutiers qui n’attendent qu’une seule chose, c’est le contact avec les forces de l’ordre, pour maintenir leurs positions" et "leurs exactions".
Panot (LFI) proteste contre l'interdiction de TikTok en Nouvelle-Calédonie
La cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot a protesté ce vendredi contre l'interdiction "inédite dans une démocratie européenne" du réseau social TikTok en Nouvelle-Calédonie. "Je ne suis pas d'accord avec" l'interdiction de TikTok "parce que ce qui se fait généralement dans des territoires d'outre-mer se fait ensuite dans l'Hexagone", a déclaré Mathilde Panot sur BFMTV-RMC.
Elle a contesté la décision, prise dans le cadre de l'état d'urgence par le gouvernement qui estime que le réseau social est un des vecteurs de communication entre les émeutiers. "Nous sommes face à un peuple entier. Nous sommes dans un fait colonial et je ne suis pas d'accord avec les restrictions de libertés", a-t-elle insisté. "La situation est politique, c'est parce qu'ils ont rompu un processus de paix civile en passant en force en trois jours, ils ont réussi à détruire des années et des années de consensus", a-t-elle martelé.
Alors que le gouvernement justifie également cette interdiction du réseau social chinois par des craintes d'ingérence et de désinformation, de la part notamment de l'Azerbaïdjan, la députée a trouvé "extrêmement suspect de penser que l'Azerbaïdjan pourrait mettre 10 % du peuple kanak dans la rue". "Je crois qu'il faut arrêter de voir des ingérences partout et traiter les problèmes politiquement", a-t-elle plaidé.
Le Maire réunira les assureurs la semaine prochaine
Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, réunira les assureurs "la semaine prochaine" afin de "garantir une indemnisation rapide et juste" des dégâts causés par les violences en Nouvelle-Calédonie, a annoncé ce vendredi son cabinet. Le montant des dégâts économiques est encore en cours d'évaluation et sera communiqué lorsqu'il sera "stabilisé et fiable", selon la même source, relayant le "soutien" de Bruno Le Maire "aux élus et au monde économique de Nouvelle-Calédonie". Le cabinet du ministre n'a pas donné de date précise pour la réunion prévue avec les assureurs.
Le risque de pénuries alimentaires
A Nouméa, les pénuries alimentaires provoquent de très longues files d’attente devant les magasins. "En lien avec le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, l’Etat se mobilise pour apporter le soutien à la population et organiser l’acheminement des produits de première nécessité", a assuré ce vendredi matin le Haut-commissaire Louis Le Franc. Il a appelé à laisser dégager les grands axes de circulation.
Les autorités préparent un "pont aérien" entre l’Hexagone et son archipel, séparés de plus de 16 000 km. L’aéroport de Nouméa reste fermé aux vols commerciaux.
Un suspect d’homicide "s’est rendu"
Une personne soupçonnée d’un homicide lors des émeutes en Nouvelle-Calédonie s’est rendue aux forces de l’ordre, a annoncé ce vendredi le Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc. "Il y a des affaires beaucoup plus graves qui ont eu lieu, des affaires concernant des assassinats. Donc, un auteur s’est rendu. Les autres, les recherches sont lancées", a-t-il déclaré lors d’un point de presse à Nouméa. Le Haut-commissaire n’a livré aucun détail supplémentaire, ni sur l’identité de cette personne, ni sur l’homicide concerné.
Cinq personnes sont mortes depuis le début des émeutes lundi dans cet archipel français de l’océan Pacifique : deux hommes de 20 et 36 ans, une adolescente de 17 ans et deux gendarmes. Le premier, âgé de 22 ans, a été atteint d’une balle dans la tête mercredi. Le second, âgé de 45 ans, a été victime d’un "tir accidentel" jeudi matin, selon Gérald Darmanin. Le ministre de l’Intérieur avait indiqué mercredi soir depuis Paris qu’une personne "responsable de deux morts kanak" avait été arrêtée, sans plus de détails.
Pas de visioconférence avec les élus
La visioconférence qu’Emmanuel Macron avait proposée aux élus calédoniens jeudi ne pourra pas se tenir, les "différents acteurs ne souhaitant pas dialoguer les uns avec les autres pour le moment", a annoncé l’Elysée. "La situation sur place rend sa tenue difficile", a également relevé la présidence. En conséquence, le chef de l’Etat échangera "directement avec les élus", séparément, a-t-elle ajouté, sans plus de précisions. Jeudi soir, l’Elysée a indiqué que ces discussions devraient intervenir ce vendredi. La visioconférence devait initialement se tenir à l’issue d’une nouvelle réunion de crise qui a eu lieu à l’Elysée à partir de 11 heures.
Gabriel Attal va recevoir à Matignon, avec Gérald Darmanin ce vendredi à 18 h 30 heure de Paris, les comités de liaison parlementaires sur la Nouvelle-Calédonie pour un "échange" sur la crise. Avant cette réunion, Gabriel Attal présidera en outre à 8 heures une troisième cellule interministérielle de crise.
Marine Le Pen ouverte à un nouveau référendum d’autodétermination "dans 40 ans"
Marine Le Pen a plaidé jeudi pour "une pacification" institutionnelle en Nouvelle-Calédonie sur le temps long, en ouvrant la possibilité d’organiser localement un nouveau référendum d’autodétermination "dans 40 ans", une promesse susceptible selon elle de relancer le dialogue avec les indépendantistes.
"Peut-être faut-il un référendum de plus, mais il faut qu’il soit dans 40 ans, pour que l’Etat accepte d’investir sans prendre le risque de voir ses investissements perdus", a expliqué la triple candidate Rassemblement national à l’élection présidentielle sur France 2.